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Constructive trusts anglais et droit des obligations français (Document en Français)
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Auteur(s) : LEMARCHAND-GHICA, Grégoire
Directeur du mémoire : BORGHETTI JEAN-SEBASTIEN
Éditeur(s) : Université Panthéon-Assas - Master Droit privé général
Date de création : 31-10-2019
Description : 1. « Les vues de l’esprit les plus simples et les plus sûres ne sont pas toujours celles qui rencontrent le plus de crédit auprès de la conscience universelle, ni même auprès de la conscience juridique : alors que des sophismes spécieux résistent indéfiniment à l’action du temps comme à celle de la critique, il est des vérités éternelles, des idées-forces, ou, pour parler le langage anglo-saxon, des “standards” fondamentaux qui, bien que représentant l’armature de toutes les législations à toute époque et dans tous pays, se trouvent périodiquement ou constamment sujets à contestation, à régression, voire même à négation (…) ». Le Doyen Josserand écrivait ces mots à propos de la théorie de l’abus des droits. Pourtant, il est permis de s’interroger sur l’éventualité que le constructive trust, parfois fondé sur la « conscience », soit l’un de ces mécanismes dont la fonction est essentielle à un système juridique, tout en étant un objet de perpétuelles controverses. 2. Le trust intrigue. Son originalité fascine autant qu’elle inquiète. Le constructive trust est lui-même fondé sur le mécanisme du trust, car il en est une catégorie. 3. Mécanisme du constructive trust – Le constructive trust est un mécanisme qui émerge dans un certain nombre de situations. Par exemple, il naît dans le cadre d’une relation fiduciaire ou d’un contrat de vente pouvant faire l’objet d’une exécution en nature. Le trust repose sur la dualité entre common law (le droit au sens strict) et equity (l’équité). Le constructive trustee est propriétaire en droit (en common law) d’un bien dont est bénéficiaire une autre personne, le beneficiairy ou cestui que trust (en équité). Cependant, cette dualité n’implique pas un conflit entre deux droits subjectifs, car le bénéficiaire n’est pas le propriétaire du bien en équité. S’il l’était, alors deux personnes seraient propriétaires du même bien, ce dont il résulterait une « anarchie totale » ; « l’équité ne dit pas que le trustee est le propriétaire (…), mais ajoute qu’il est obligé de détenir [le bien] pour le bénéfice du cestuit que trust ». Ainsi, le trust est viscéralement attaché à l’équité. L’équité lui a donné naissance, l’a façonné et continue de le faire vivre aujourd’hui. 4. Equité anglaise – L’équité anglaise est souvent définie comme la branche du droit qui s’est développée en réaction au common law, ce qui conduit à remonter aux origines du droit anglais. La bataille d’Hastings de 1066 a bouleversé l’Angleterre en permettant à Guillaume le Conquérant de s’emparer de la couronne. Les rois anglo-normands ont alors progressivement unifié le droit anglais, par la constitution d’un droit commun, le common law. Le common law avait une nature procédurale. Avant d’agir en justice, le demandeur devait être dans une situation où un writ (c’est-à-dire un ordre de la cour accordant une action en justice) avait déjà été reconnu, ce qui lui permettait d’obtenir un remède. Néanmoins, le common law s’est progressivement rigidifié et les cours royales n’ont plus reconnu de nouveaux writs. Au XVème siècle, les demandeurs ont formé des pétitions auprès du Roi pour qu’il juge en équité et leur accorde un remède dans certaines situations particulières qui n’étaient pas protégées par le common law, devenu donc lacunaire. Par exemple, un seigneur ou un chevalier partant en croisade pouvait transférer la propriété de ses biens (château, terres, …) à un vassal ou un ami, pour qu’il puisse les gérer durant son absence et les transmettre à ses héritiers. Cependant, certains vassaux n’ont pas restitué les biens au retour du seigneur, ou n’ont pas transféré les biens aux héritiers du seigneur s’il décédait. Il n’existait aucune action en common law afin faire respecter ces arrangements, qui reposaient principalement sur la confiance (trust) et la conscience. L’équité a permis de donner une force obligatoire à ces arrangements en donnant un remède au demandeur, notamment grâce au trust, mécanisme novateur. Ensuite, le Roi a délégué ce pouvoir au Chancelier qui a institué des juridictions spécialisées (Chancery courts). A la fin du XIXème siècle, les juridictions de common law et d’équité ont été fusionnées. Cette fusion n’est pas substantielle et elle institue simplement une procédure unifiée en un seul ordre juridictionnel. Ainsi, le droit substantiel anglais conserve une structure « dualiste », car l’équité et le common law constituent des règles différentes et complémentaires. 5. En outre, les règles d’équité doivent être combinées avec la doctrine du précédent. Cette doctrine impose aux juges de décider d’une solution dans le même sens que des décisions déjà rendues par des juridictions supérieures. Néanmoins, l’équité ne semble pas, au gré des décisions rendues par les juridictions supérieures, s’être autant rigidifiée que le common law au Moyen-Age. Le constructive trust le démontre car il connaît toujours des évolutions. Si l’équité a toujours eu recours au constructive trust21, il n’empêche que ce dernier ne cesse d’évoluer. Le constructive trust émergeant dans le cadre d’une relation fiduciaire l’illustre, puisqu’il est un trust multiséculaire ayant été renouvelé, notamment face à la pratique des rétro-commissions secrètes. Le constructive trust a traversé les épreuves du temps, en s’adaptant à son époque, mais aussi en s’exportant. Il est aussi nécessaire aux systèmes de common law que le sont toutes les autres formes de trust. « Si l’on se demande à quoi sert le trust, on peut répondre : “à tout” ! Il est plus indispensable que le thé à la vie anglaise et le base-ball à la vie américaine. ». 6. Pays de common law – Le modèle anglais s’est exporté dans de nombreux pays qui partagent donc une tradition commune, fondée sur le common law et l’équité. Toutefois, il faut veiller à ne pas confondre le constructive trust de droit anglais (incluant le droit de l’Angleterre et du Pays de Galles) avec ceux d’autres pays, car il ne semble pas exister une conception unitaire du constructive trust. Certains pays ne définissent pas le constructive trust comme en droit anglais. D’autres pays appréhendent le constructive trust différemment, car il est analysé comme un moyen d’accorder des restitutions. Ailleurs encore, le constructive trust est avant tout une sanction. 7. Difficultés – Le plus grave n’est pas qu’il y ait une diversité de l’acceptation du mécanisme du constructive trust, car chaque système juridique a ses propres spécificités. Le problème est que le constructive trust est un mécanisme délicat à saisir. Cette difficulté résulte à la fois du constructive trust lui-même, mais aussi des difficultés entourant la compréhension de l’équité et du mécanisme trust en général. Les doutes en la matière sont profonds, multiples et paraissent insolubles. Le constructive trust ne peut que difficilement être défini. Ses éventuels fondements sont controversés. Sa fonction est une question épineuse. Parfois, il a pour but que la propriété légale du bien soit transférée au bénéficiaire, mais pas toujours. 8. Définition – « Comme un éléphant, un trust est facile à reconnaître, mais difficile à décrire ». L’opération de définition du trust est périlleuse, car elle est délicate. Le trust est l’engagement par lequel le propriétaire d’un bien, nommé trustee, s’oblige ou est obligé, en équité, à user de ses droits sur le bien dont il est propriétaire dans la perspective de respecter, voire de satisfaire, l’intérêt d’une tierce personne, nommée bénéficiaire. En principe, le trust répond donc à trois éléments. Il doit y avoir un propriétaire (trustee), un bénéficiaire et un bien. Le constructive trust est une catégorie résiduelle du trust. Ses fondements et sa définition sont incertains, mais il permet de compléter le système juridique. 9. Fonction – Le constructive trust répond à des besoins qui ne sont pas traités, ou pas suffisamment bien, par le système juridique. Le constructive trust a alors un rôle perturbateur de « l’ordre juridique positif ». Cette fonction n’est peut-être pas étrangère à l’équité, qui s’est développée afin de combler les lacunes du common law. En outre, cette fonction n’est pas non plus étrangère à l’histoire de l’équité, car les remèdes accordés par le Chancelier n’étaient pas nécessairement donnés dans une pure logique juridique, mais aussi pour éviter des injustices. Le constructive trust permet de corriger et de combler les lacunes du système juridique. Il peut avoir un versant objectif, c’est-à-dire fondé sur la nécessité de rendre le système juridique plus complet, cohérent et logique. Le constructive trust peut aussi avoir un versant subjectif, en ce sens qu’il permet de rendre plus juste le système, même si l’idée de justice est peut-être davantage fondée sur un sentiment qu’un principe juridique clair. L’alliance de ces deux versants est primordiale, car elle peut fonder la légitimité du constructive trust, c’est-à-dire lorsqu’il est à la fois fondé sur la raison et sur le sentiment. Les constructive trusts répondant à ces deux aspects, objectif et subjectif, sont plutôt bien accueillis par le système, tandis que ceux qui sont fondés sur l’arbitraire du juge sont critiqués. Le constructive trust apparaît comme une catégorie résiduelle et même abyssale. Il semble être un mécanisme trouvé par le droit anglais afin de compléter toutes ses lacunes, en droit comme en équité. Le constructive trust se révèle être un mécanisme utilisé par le juge quand il n’en a aucun autre à sa disposition, car il émerge dans des situations diverses, parfois sans lien les unes avec les autres38. Le constructive trust permet l’application de règles spéciales, nécessaires à répondre à certains besoins. Néanmoins, il semble qu’il naisse toujours entre plusieurs parties ayant déjà des relations entre elles. En ce sens, il est un mécanisme qui s’ajoute à une situation préexistante. Le droit anglais éprouve des difficultés à systématiser les besoins auxquels le constructive trust répond et donc à identifier ses fondements. Tous ces problèmes semblent révéler que le droit anglais ne ressent pas nécessairement le besoin de systématiser un mécanisme pour en avoir l’usage. Ainsi, le constructive trust est un mécanisme qui touche le coeur du droit anglais, même s’il ne faut pas exagérer son rôle. Il semble impossible de déceler un mécanisme « plus anglais » que lui. Le constructive trust aide à comprendre le système juridique anglais car il dévoile l’une de ses parties les plus méconnues. 10. Etude française – L’observation du trust anglais pose des difficultés, notamment pour le juriste de tradition civiliste, sensible aux catégories bien définies et tracées. Le trust est difficilement catégorisable en un droit personnel ou en un droit réel et ce problème affecte aussi le constructive trust. La nature des droits du bénéficiaire n’est donc pas comprise avec certitude. En effet, le bénéficiaire semble plutôt avoir un droit personnel (contre le trustee), même si ce droit peut parfois être analysé comme ayant un caractère réel. En d’autres termes, le trust semble être un « phénomène » personnel, mais ayant un fort aspect réel. La difficulté de comprendre le trust rejoint celle d’étudier le constructive trust. L’étude des trusts est davantage fondée sur les trusts exprès en droit comparé et en droit international. Toutefois, les particularités des constructive trusts sont d’une grande force et ils font l’objet de nombreuses décisions et discussions (entre les juges et aussi entre les auteurs). 11. Problématique – L’utilisation des constructive trusts en droit anglais peut paraître originale et il est parfois difficile d’expliquer les circonstances dans lesquelles les constructive trusts émergent. En conséquence, il est ardu de les appréhender et de les comparer au droit français. Les constructive trusts naissent pour régler des situations dans lesquelles le droit français a souvent des équivalents, principalement en droit des obligations. De surcroît, le constructive trust permet de compléter le système juridique, car il agit dans tout le système. Cette aptitude n’est pas l’apanage du constructive trust. A partir de l’étude de ses caractéristiques profondes, il est possible d’affirmer que le droit français dispose, lui aussi, d’outils très efficaces. Ces outils ont un champ d’action transperçant tout le système juridique, dont le droit des obligations. Par conséquent, l’intérêt d’une étude comparative des constructive trusts anglais est double. D’une part, elle permet de reconnaître que le droit français dispose aussi de mécanismes efficaces, lui permettant de répondre aux oscillations du système. Ils sont des « vérités éternelles » et constituent « l’armature » du droit français. D’autre part, le droit des obligations français arrive parfois à des solutions équivalentes au constructive trust anglais. Ainsi, une adaptation des constructive trusts anglais en droit français ne semble pas nécessaire (ni même désirable). 12. Traduction – L’opération de traduction est fondamentale, mais pas toujours nécessaire. Le « constructive trust » a notamment été traduit par « fiducie par interprétation » ou par « trust par opération du droit ». Il est permis de douter de ces traductions. La « fiducie par interprétation » semble être une traduction littérale, mais le terme « constructive » n’a pas le sens habituel « d’interprétation » dans ce cas. Le « trust par opération du droit » est une traduction insuffisante, car si certains constructive trusts émergent par opération du droit, d’autres émergent par la décision du juge ou encore selon l’intention commune des parties. En outre, le terme « constructive » a la même étymologie que le terme « constructif ». Le constructive trust est littéralement la « fiducie constructive », la « fiducie propre à être construite ». Cette définition est trop littérale pour être retenue, même si elle semble meilleure. Par ailleurs, le nom « trust » est certainement entré dans la langue française. En outre, l’utilisation de l’expression « constructive trust » n’est pas étrangère au juriste français. Ainsi, il est fait le choix de ne pas traduire le « constructive trust », parce que sa traduction serait insatisfaisante et risquerait d’apporter des confusions. 13. Plan – L’analyse du constructive trust permet de pénétrer le coeur du système juridique anglais et d’en montrer la profondeur. Elle autorise aussi à percevoir le droit français sous un autre angle. Il semble dès lors impératif de procéder à la présentation du constructive trust anglais (titre premier), permettant d’aboutir à la mise en perspective du constructive trust anglais en droit français (titre second).
Mots-clés libres : trust, droit des obligations, Droit comparé, constructive trust, common law
Directeur du mémoire : BORGHETTI JEAN-SEBASTIEN
Éditeur(s) : Université Panthéon-Assas - Master Droit privé général
Date de création : 31-10-2019
Description : 1. « Les vues de l’esprit les plus simples et les plus sûres ne sont pas toujours celles qui rencontrent le plus de crédit auprès de la conscience universelle, ni même auprès de la conscience juridique : alors que des sophismes spécieux résistent indéfiniment à l’action du temps comme à celle de la critique, il est des vérités éternelles, des idées-forces, ou, pour parler le langage anglo-saxon, des “standards” fondamentaux qui, bien que représentant l’armature de toutes les législations à toute époque et dans tous pays, se trouvent périodiquement ou constamment sujets à contestation, à régression, voire même à négation (…) ». Le Doyen Josserand écrivait ces mots à propos de la théorie de l’abus des droits. Pourtant, il est permis de s’interroger sur l’éventualité que le constructive trust, parfois fondé sur la « conscience », soit l’un de ces mécanismes dont la fonction est essentielle à un système juridique, tout en étant un objet de perpétuelles controverses. 2. Le trust intrigue. Son originalité fascine autant qu’elle inquiète. Le constructive trust est lui-même fondé sur le mécanisme du trust, car il en est une catégorie. 3. Mécanisme du constructive trust – Le constructive trust est un mécanisme qui émerge dans un certain nombre de situations. Par exemple, il naît dans le cadre d’une relation fiduciaire ou d’un contrat de vente pouvant faire l’objet d’une exécution en nature. Le trust repose sur la dualité entre common law (le droit au sens strict) et equity (l’équité). Le constructive trustee est propriétaire en droit (en common law) d’un bien dont est bénéficiaire une autre personne, le beneficiairy ou cestui que trust (en équité). Cependant, cette dualité n’implique pas un conflit entre deux droits subjectifs, car le bénéficiaire n’est pas le propriétaire du bien en équité. S’il l’était, alors deux personnes seraient propriétaires du même bien, ce dont il résulterait une « anarchie totale » ; « l’équité ne dit pas que le trustee est le propriétaire (…), mais ajoute qu’il est obligé de détenir [le bien] pour le bénéfice du cestuit que trust ». Ainsi, le trust est viscéralement attaché à l’équité. L’équité lui a donné naissance, l’a façonné et continue de le faire vivre aujourd’hui. 4. Equité anglaise – L’équité anglaise est souvent définie comme la branche du droit qui s’est développée en réaction au common law, ce qui conduit à remonter aux origines du droit anglais. La bataille d’Hastings de 1066 a bouleversé l’Angleterre en permettant à Guillaume le Conquérant de s’emparer de la couronne. Les rois anglo-normands ont alors progressivement unifié le droit anglais, par la constitution d’un droit commun, le common law. Le common law avait une nature procédurale. Avant d’agir en justice, le demandeur devait être dans une situation où un writ (c’est-à-dire un ordre de la cour accordant une action en justice) avait déjà été reconnu, ce qui lui permettait d’obtenir un remède. Néanmoins, le common law s’est progressivement rigidifié et les cours royales n’ont plus reconnu de nouveaux writs. Au XVème siècle, les demandeurs ont formé des pétitions auprès du Roi pour qu’il juge en équité et leur accorde un remède dans certaines situations particulières qui n’étaient pas protégées par le common law, devenu donc lacunaire. Par exemple, un seigneur ou un chevalier partant en croisade pouvait transférer la propriété de ses biens (château, terres, …) à un vassal ou un ami, pour qu’il puisse les gérer durant son absence et les transmettre à ses héritiers. Cependant, certains vassaux n’ont pas restitué les biens au retour du seigneur, ou n’ont pas transféré les biens aux héritiers du seigneur s’il décédait. Il n’existait aucune action en common law afin faire respecter ces arrangements, qui reposaient principalement sur la confiance (trust) et la conscience. L’équité a permis de donner une force obligatoire à ces arrangements en donnant un remède au demandeur, notamment grâce au trust, mécanisme novateur. Ensuite, le Roi a délégué ce pouvoir au Chancelier qui a institué des juridictions spécialisées (Chancery courts). A la fin du XIXème siècle, les juridictions de common law et d’équité ont été fusionnées. Cette fusion n’est pas substantielle et elle institue simplement une procédure unifiée en un seul ordre juridictionnel. Ainsi, le droit substantiel anglais conserve une structure « dualiste », car l’équité et le common law constituent des règles différentes et complémentaires. 5. En outre, les règles d’équité doivent être combinées avec la doctrine du précédent. Cette doctrine impose aux juges de décider d’une solution dans le même sens que des décisions déjà rendues par des juridictions supérieures. Néanmoins, l’équité ne semble pas, au gré des décisions rendues par les juridictions supérieures, s’être autant rigidifiée que le common law au Moyen-Age. Le constructive trust le démontre car il connaît toujours des évolutions. Si l’équité a toujours eu recours au constructive trust21, il n’empêche que ce dernier ne cesse d’évoluer. Le constructive trust émergeant dans le cadre d’une relation fiduciaire l’illustre, puisqu’il est un trust multiséculaire ayant été renouvelé, notamment face à la pratique des rétro-commissions secrètes. Le constructive trust a traversé les épreuves du temps, en s’adaptant à son époque, mais aussi en s’exportant. Il est aussi nécessaire aux systèmes de common law que le sont toutes les autres formes de trust. « Si l’on se demande à quoi sert le trust, on peut répondre : “à tout” ! Il est plus indispensable que le thé à la vie anglaise et le base-ball à la vie américaine. ». 6. Pays de common law – Le modèle anglais s’est exporté dans de nombreux pays qui partagent donc une tradition commune, fondée sur le common law et l’équité. Toutefois, il faut veiller à ne pas confondre le constructive trust de droit anglais (incluant le droit de l’Angleterre et du Pays de Galles) avec ceux d’autres pays, car il ne semble pas exister une conception unitaire du constructive trust. Certains pays ne définissent pas le constructive trust comme en droit anglais. D’autres pays appréhendent le constructive trust différemment, car il est analysé comme un moyen d’accorder des restitutions. Ailleurs encore, le constructive trust est avant tout une sanction. 7. Difficultés – Le plus grave n’est pas qu’il y ait une diversité de l’acceptation du mécanisme du constructive trust, car chaque système juridique a ses propres spécificités. Le problème est que le constructive trust est un mécanisme délicat à saisir. Cette difficulté résulte à la fois du constructive trust lui-même, mais aussi des difficultés entourant la compréhension de l’équité et du mécanisme trust en général. Les doutes en la matière sont profonds, multiples et paraissent insolubles. Le constructive trust ne peut que difficilement être défini. Ses éventuels fondements sont controversés. Sa fonction est une question épineuse. Parfois, il a pour but que la propriété légale du bien soit transférée au bénéficiaire, mais pas toujours. 8. Définition – « Comme un éléphant, un trust est facile à reconnaître, mais difficile à décrire ». L’opération de définition du trust est périlleuse, car elle est délicate. Le trust est l’engagement par lequel le propriétaire d’un bien, nommé trustee, s’oblige ou est obligé, en équité, à user de ses droits sur le bien dont il est propriétaire dans la perspective de respecter, voire de satisfaire, l’intérêt d’une tierce personne, nommée bénéficiaire. En principe, le trust répond donc à trois éléments. Il doit y avoir un propriétaire (trustee), un bénéficiaire et un bien. Le constructive trust est une catégorie résiduelle du trust. Ses fondements et sa définition sont incertains, mais il permet de compléter le système juridique. 9. Fonction – Le constructive trust répond à des besoins qui ne sont pas traités, ou pas suffisamment bien, par le système juridique. Le constructive trust a alors un rôle perturbateur de « l’ordre juridique positif ». Cette fonction n’est peut-être pas étrangère à l’équité, qui s’est développée afin de combler les lacunes du common law. En outre, cette fonction n’est pas non plus étrangère à l’histoire de l’équité, car les remèdes accordés par le Chancelier n’étaient pas nécessairement donnés dans une pure logique juridique, mais aussi pour éviter des injustices. Le constructive trust permet de corriger et de combler les lacunes du système juridique. Il peut avoir un versant objectif, c’est-à-dire fondé sur la nécessité de rendre le système juridique plus complet, cohérent et logique. Le constructive trust peut aussi avoir un versant subjectif, en ce sens qu’il permet de rendre plus juste le système, même si l’idée de justice est peut-être davantage fondée sur un sentiment qu’un principe juridique clair. L’alliance de ces deux versants est primordiale, car elle peut fonder la légitimité du constructive trust, c’est-à-dire lorsqu’il est à la fois fondé sur la raison et sur le sentiment. Les constructive trusts répondant à ces deux aspects, objectif et subjectif, sont plutôt bien accueillis par le système, tandis que ceux qui sont fondés sur l’arbitraire du juge sont critiqués. Le constructive trust apparaît comme une catégorie résiduelle et même abyssale. Il semble être un mécanisme trouvé par le droit anglais afin de compléter toutes ses lacunes, en droit comme en équité. Le constructive trust se révèle être un mécanisme utilisé par le juge quand il n’en a aucun autre à sa disposition, car il émerge dans des situations diverses, parfois sans lien les unes avec les autres38. Le constructive trust permet l’application de règles spéciales, nécessaires à répondre à certains besoins. Néanmoins, il semble qu’il naisse toujours entre plusieurs parties ayant déjà des relations entre elles. En ce sens, il est un mécanisme qui s’ajoute à une situation préexistante. Le droit anglais éprouve des difficultés à systématiser les besoins auxquels le constructive trust répond et donc à identifier ses fondements. Tous ces problèmes semblent révéler que le droit anglais ne ressent pas nécessairement le besoin de systématiser un mécanisme pour en avoir l’usage. Ainsi, le constructive trust est un mécanisme qui touche le coeur du droit anglais, même s’il ne faut pas exagérer son rôle. Il semble impossible de déceler un mécanisme « plus anglais » que lui. Le constructive trust aide à comprendre le système juridique anglais car il dévoile l’une de ses parties les plus méconnues. 10. Etude française – L’observation du trust anglais pose des difficultés, notamment pour le juriste de tradition civiliste, sensible aux catégories bien définies et tracées. Le trust est difficilement catégorisable en un droit personnel ou en un droit réel et ce problème affecte aussi le constructive trust. La nature des droits du bénéficiaire n’est donc pas comprise avec certitude. En effet, le bénéficiaire semble plutôt avoir un droit personnel (contre le trustee), même si ce droit peut parfois être analysé comme ayant un caractère réel. En d’autres termes, le trust semble être un « phénomène » personnel, mais ayant un fort aspect réel. La difficulté de comprendre le trust rejoint celle d’étudier le constructive trust. L’étude des trusts est davantage fondée sur les trusts exprès en droit comparé et en droit international. Toutefois, les particularités des constructive trusts sont d’une grande force et ils font l’objet de nombreuses décisions et discussions (entre les juges et aussi entre les auteurs). 11. Problématique – L’utilisation des constructive trusts en droit anglais peut paraître originale et il est parfois difficile d’expliquer les circonstances dans lesquelles les constructive trusts émergent. En conséquence, il est ardu de les appréhender et de les comparer au droit français. Les constructive trusts naissent pour régler des situations dans lesquelles le droit français a souvent des équivalents, principalement en droit des obligations. De surcroît, le constructive trust permet de compléter le système juridique, car il agit dans tout le système. Cette aptitude n’est pas l’apanage du constructive trust. A partir de l’étude de ses caractéristiques profondes, il est possible d’affirmer que le droit français dispose, lui aussi, d’outils très efficaces. Ces outils ont un champ d’action transperçant tout le système juridique, dont le droit des obligations. Par conséquent, l’intérêt d’une étude comparative des constructive trusts anglais est double. D’une part, elle permet de reconnaître que le droit français dispose aussi de mécanismes efficaces, lui permettant de répondre aux oscillations du système. Ils sont des « vérités éternelles » et constituent « l’armature » du droit français. D’autre part, le droit des obligations français arrive parfois à des solutions équivalentes au constructive trust anglais. Ainsi, une adaptation des constructive trusts anglais en droit français ne semble pas nécessaire (ni même désirable). 12. Traduction – L’opération de traduction est fondamentale, mais pas toujours nécessaire. Le « constructive trust » a notamment été traduit par « fiducie par interprétation » ou par « trust par opération du droit ». Il est permis de douter de ces traductions. La « fiducie par interprétation » semble être une traduction littérale, mais le terme « constructive » n’a pas le sens habituel « d’interprétation » dans ce cas. Le « trust par opération du droit » est une traduction insuffisante, car si certains constructive trusts émergent par opération du droit, d’autres émergent par la décision du juge ou encore selon l’intention commune des parties. En outre, le terme « constructive » a la même étymologie que le terme « constructif ». Le constructive trust est littéralement la « fiducie constructive », la « fiducie propre à être construite ». Cette définition est trop littérale pour être retenue, même si elle semble meilleure. Par ailleurs, le nom « trust » est certainement entré dans la langue française. En outre, l’utilisation de l’expression « constructive trust » n’est pas étrangère au juriste français. Ainsi, il est fait le choix de ne pas traduire le « constructive trust », parce que sa traduction serait insatisfaisante et risquerait d’apporter des confusions. 13. Plan – L’analyse du constructive trust permet de pénétrer le coeur du système juridique anglais et d’en montrer la profondeur. Elle autorise aussi à percevoir le droit français sous un autre angle. Il semble dès lors impératif de procéder à la présentation du constructive trust anglais (titre premier), permettant d’aboutir à la mise en perspective du constructive trust anglais en droit français (titre second).
Mots-clés libres : trust, droit des obligations, Droit comparé, constructive trust, common law
Type : Dissertation
Format : Document PDF
Format : Document PDF
Entrepôt d'origine :
Identifiant : univ-pantheon-assas-ori-13081
Type de ressource : Ressource documentaire
Identifiant : univ-pantheon-assas-ori-13081
Type de ressource : Ressource documentaire